Andrea Brazeau : Inuite et enseignante

Andrea Brazeau est originaire de Kangiqsualujjuaq, une petite communauté de 1000 personnes située sur la rive de la rivière George, au Nunavik. Cette Inuite a grandi entourée dans la nature. Mais c’est plus que ça, la nature est enracinée en elle. Andrea est en quatrième et dernière année du baccalauréat en enseignement primaire à l'Université McGill à Montréal. Elle vient d'être récompensée par le Réseau canadien d’éducation et de communication relatives à l’environnement (EECOM) à titre de leader dans la catégorie « Action jeunesse exceptionnelle ».

Découvrez avec nous la vision de l’éducation relative à l’environnement d’Andrea.

AQPERE: Qu’est-ce qui vous a mené vers une carrière en enseignement ?

Andrea Brazeau: J’ai réalisé qu’il y a un manque de représentation inuite lorsqu’il est temps d’enseigner le curriculum scolaire en anglais et en français. J’aimerais amorcer un changement et changer cela. Je ferai en février mon dernier stage avant d’obtenir mon diplôme et j’aurai la chance de retourner chez moi pour le faire. Je vais enseigner dans ma communauté.

Je ne veux pas donner l’impression que j’ai les chevilles enflées, mais je me rends compte que je suis un modèle. Je serai la première personne de Kangiqsualujjuaq à terminer des études postsecondaires. Plus que ça, après avoir terminé mes études dans le Sud, je compte m’installer au Nunavik.

Je pense que mon parcours et mon histoire aideront à briser certaines barrières culturelles. Les élèves de Kangiqsualujjuaq vont peut-être se dire : « Wow, cette Inuite qui me ressemble a fait des études universitaires et elle est revenue dans la communauté. »

Cependant, que j’enseigne dans le Sud ou dans le Nord, ce que j’aime comme enseignante, c’est d’établir des connexions.

AQPERE: Pouvez-vous nous en dire plus sur les connexions que vous créez en tant qu'enseignante?

Andrea Breazeau: Tout dépend de la classe en face vous. Il faut s’adapter. Lorsque je suis avec des élèves dans le Nord, je cherche à les connecter avec les ainés de la communauté. Nous échangeons tous ensemble à propos de la terre, des animaux et des plantes qui nous entourent. C’est l’occasion de transmettre des connaissances sur l’importance de l’environnement dans nos vies.

Quand j’ai fait un stage dans le Sud, l’ambiance était différente. Les élèves étaient intéressés par qui je suis, par mon identité inuite. Nous avons exploré les légendes, les chants de gorge et la danse inuits. Je me suis rendu compte qu’il y a vraiment une lacune dans le contenu sur les Premières Nations et les Inuits dans le curriculum québécois.

Pourtant, ce contenu-là n’a pas besoin d’être compliqué. Par exemple, dans la classe multiculturelle où j’ai fait mon stage, je leur ai partagé mon repas inuit préféré et des mots en inuktitut. Au fil des jours, en partant de mon identité, nous en avons exploré de nombreuses autres. Ce partage me permet de connecter avec eux, mais aussi de leur communiquer l’importance et la valeur de l’environnement dans ma culture.


AQPERE: Vous avez parlé des différences entre le Nord et le Sud. Ses différences se remarquent-elles lorsqu’il est question d’éducation relative à l’environnement ?

Andrea Brazeau: Je dirais que l’environnement se vit différemment. Dans le Sud, je remarque que la nature ne fait pas autant partie du quotidien qu’au Nunavik. Chez moi, dans le Nord, j’ai l’impression que la nature est juste au pas de la porte. C’est même plus que ça : l’environnement, c’est ce que nous sommes. Ça fait partie de nous. Ce n’est pas une chose ou un objet inanimé : c’est vivant !

Je sais que dans le Sud, ceux qui protègent l’environnement sont des activistes. Dans ma communauté, protéger l’environnement, c’est naturel. En tant qu’Inuits, nous utilisons les ressources fournies par la terre, par exemple lorsque nous chassons, mais nous prenons que ce dont nous avons besoin. Il y a une réciprocité dans notre relation avec l’environnement : si on prend soin de la terre, la terre prend soin de nous en retour.
AQPERE: À votre avis, quels sont les défis à relever en environnement dans les prochaines années?

Andrea Brazeau: Je crois qu’il faut, tout d’abord, réaliser que les changements climatiques ne sont pas lointains et inoffensifs. Ils sont dangereux pour ma communauté et menacent notre style de vie. Auparavant, les ainés pouvaient prédire la météo en observant la nature. Ils savaient lorsque la glace était assez gelée pour l’utiliser pour se déplacer. Avec les bouleversements climatiques, c’est devenu presque hasardeux. La glace est imprévisible et certains sont tombés dans l’eau en motoneige lorsqu’elle a cédé sous leur poids.

En plus de cela, il faut amplifier les voix autochtones et les inviter dans le cercle de discussion, particulièrement lorsqu’il est question de science. Nous gagnerions à intégrer davantage les savoirs autochtones à ce que les scientifiques connaissent. Les Inuits et les Premières Nations ont un énorme savoir qui mérite d’être partagé !


Un texte d'Aurélie Lagueux-Beloin
Passionnée par les bébittes, autant les petites que les grosses, Aurélie a étudié la biologie et l’écologie avant de dévier vers le journalisme et la communication scientifique. Après une incursion dans l’univers de la recherche sur les baleines à Tadoussac et de la lutte aux changements climatiques, elle occupe maintenant le poste de coordonnatrice des communications à l’Association québécoise pour la promotion de l’éducation relative à l’environnement (AQPERE).